Aita sata fel senannenisse Laisse la branche sur ses épines Mieux vaut ne pas secouer le fond des eaux pour ne pas voir tout ce qu’elles renferment. Evitons de provoquer les personnes qui connaissent certaines choses sur nous, sinon elles risquent de les divulguer. |
Sinimidjijet ihanan nowan zenemiazam oulhawan nowan Eloignez vos tentes et rapprochez vos cœurs Le bon voisinage se fait dans le cœur. |
Madjred adjin adou Beaucoup de paroles, c’est du vent Celui qui parle trop ne dit rien ou parle dans le vide ou alors il essaye de combler un manque plus profond. |
Tamat takount La femme, c’est l’étonnement La femme contient tellement de mystères qu’elle est comme l’océan. Celui qui veut comprendre l’océan doit l’explorer. |
Edjereou takount tamat tikounin L’océan renferme un mystère et la femme renferme |
Eifad issaknas Prêter amène la dispute Le prêteur demandera bien souvent en retour ce qu’il a prêté au moment où l’emprunteur en aura le plus besoin. Mieux vaut donner que prêter. |
Taraha warmiz L’amour ne s’achète pas L’argent ne pourra jamais acheter l’amour. |
Idhin eme nalyade sukete mas Graisse la bouche de l’enfant et envoie-le à sa mère L’origine de ce dicton vient du fait que, la nourriture étant rare, certains enfants sont obligés de mendier. Lorsque l’un d’eux mendie auprès d’une famille aisée, il suffira de lui graisser la bouche. Ainsi lorsqu’il rentrera chez lui, sa mère pensera, à tort, qu’il a mangé à sa faim. Chez les Touaregs ce dicton s’adresse à une personne qui a l’habitude de dire qu’elle va faire beaucoup de choses et qui n’en fait rien. |
Tagel ana leg or aba tagel aba leg or ana Maman a cru que j’étais chez papa et papa a cru que j’étais chez maman Ce proverbe traduit une situation de l’entre-deux, ces moments où nous ne savons plus où nous en sommes. Il parle de ceux qui prétendent savoir des choses, alors qu’en réalité, ils ne sont pas certains de ce qu’ils avancent. |
Delloul wardokey tigad Celui qui saute croit danser Nous ne pouvons apprendre sans faire des essais. Il est donc préférable d’essayer avant de se prononcer sur quelque chose. Ce proverbe s’adresse à une personne qui s’émerveille sans vraiment connaître la chose ou la personne qui provoque son émerveillement. |
jeudi 29 janvier 2009
Proverbe
Le Sahara des Touareg
Le Sahara des Touareg
Mars 1964, quatre Jeep sillonnent le Grand Sud algérien. A bord, Claude Cheysson, Jules Roy et l'envoyé spécial du "Monde", Jean Lacouture." Un souvenir merveilleux, dit-il aujourd'hui, l'Algérie n'était en paix que depuis deux ans, nous avions un sentiment de sécurité miraculeux." Jean Lacouture, grand reporter, biographe et auteur prolifique, a tiré de ces souvenirs un livre, "Algérie, la guerre est finie" (Ed. Complexe, Bruxelles), qui vient d'être réédité.
On sait que c'est très grand, que les récoltes y sont maigres, le pétrole abondant et le peuplement clairsemé, qu'il y fait chaud, qu'il y fait froid, que les auberges y sont rares et les étapes longues, que les grands espaces nus sont propices à la méditation et incitent au monothéisme. On le sait. Mais il vaut mieux y aller voir.
Sous le dur soleil qui transforme les lèvres en pelote d'épingles, dans la nuit cassante de froid, au cœur du fraternel nuage de poussière légué par le véhicule de tête, on vérifie beaucoup de choses lues mais qu'il faut éprouver dans l'œil, sur la peau, dans les reins, pour en garder bonne mémoire. Tant de montagnes ? Si peu de sable ? Tant d'eau ? Et si peu d'hommes que, de Fort-Flatters à In-Ekker, il est facile de se croire plongé dans un univers strictement minéral. C'est le rêve obstiné d'un général, à Paris, qui fait soudain dresser devant le voyageur cet être humain : un adjudant de gendarmerie, jovial concierge de la base nucléaire du Hoggar.
Une mer, bien sûr, passionnante et multiple comme la mer. Un lac énorme et convulsé, couleur de crevette, où les escarpements font penser aux crinières des vieux lions. Des dunes, Edouard-Félix Gautier assure qu'elles sont blanches en leur enfance et jaunissent avec les siècles. Pourquoi n'avons-nous fréquenté que des dunes si mûres que, citron au réveil, elles tournaient, le soir tombant, à l'orange ? Le plus souvent, d'ailleurs, c'est une mer calmée, le reg, qui offre à l'œil et aux roues la surface familière, caillouteuse et lugubrement rassurante de nos cours de caserne.
Le froid ne surprend pas. Un désert, c'est une zone libre où jouent les éléments, sans artifice ni médiateurs. Beau champ de bataille où la retraite du soleil donne au vent un empire sans partage. Mais il faut avoir passé quelques nuits dans le reg, sous les étoiles, dans le souffle qui galope d'Hassi-Bel-Guebbour à Amguid, pour apprécier sainement les effusions littéraires sur les splendeurs de la nuit saharienne.
La surprise, c'est l'eau. Au Sahara, on en parle presque autant qu'en Hollande, au Tonkin ou en Egypte. Ici, c'est la crue désastreuse d'un oued. Là, les inondations provoquées par les pluies et qui viennent de ravager deux quartiers. Ici encore, le sous-préfet ne pose qu'un problème : comment s'en débarrasser ? Comment évacuer, drainer le surplus laissé par l'irrigation ? Comment laver le désert des immenses plaques de sel que fait remonter la poussée liquide ? Ce ne sont que débats sur la présence de ces résidus d'oueds quaternaires dont on pourrait dire qu'ils forment une nappe immense sur laquelle flotterait, pelliculaire et dédaigneux, le désert.
La nappe albienne, c'est la grande affaire pour les caravaniers comme pour les pétroliers. Avez-vous vu l'"albien"? Tel pourrait être le titre d'une enquête sur le Sahara - sol et sous-sol. C'est le refrain que l'on entend à chaque étape. C'est la préoccupation de ces tribus, communautés et sectes qui, tous les 1 000 kilomètres, rappellent qu'il n'est pas de désert sans histoire et que ce n'est pas au nombre de ses habitants qu'un Etat mesure les problèmes que lui pose un territoire : les Touareg, les Mozabites, les pétroliers.
A Tamanrasset surgit soudain cette Algérie noire que l'on n'avait pas imaginée. L'Algérie des haratin.Berbères négrifiés - ou Soudanais berbérophones ? - vassaux des Touareg, que le flux et le reflux nomades déposent progressivement, comme des alluvions fertiles, au creux des oasis, des vallées et des petites cités. Fruit de la lente modernisation du Sud, cette sédentarisation brune en est aussi l'espoir ; et c'est en se vidant peu à peu de leur clientèle serve que les Touareg nourrissent la ville écarlate, surgie, à l'appel de Charles de Foucauld, sur la lisière sud du Hoggar.
On voit bien passer, d'heure en heure, boulevard Laperrine, quelques-uns de ces beaux seigneurs voilés de bleu nuit, superbes. Mais la ville vit sur un autre rythme que celui de leur démarche hautaine, et le temps des esclaves est venu. Déjà les haratin disputent aux Chaamba arabes les boutiques de la rue, les emplacements du souk. Demain ils tiendront le commerce moderne, le trafic sur les routes, l'artisanat. Dès avant la solution des problèmes juridiques que pose leur condition, les affranchis domineront leurs maîtres. Des imochar, les hommes au chameau, aux imrad, les hommes à la chèvre, la prépondérance est en cours de transfert. Mais l'Etat algérien est-il prêt, lui, à intégrer les Touareg ? Est-il pressé de le faire ?
Le Hoggar, c'est grand comme la France. Et c'est peuplé de moins de 20 000 âmes, moins de la moitié d'entre elles forment les douze tribus qui constituent le peuplement targui algérien : quelques milliers de seigneurs nomades tirant après eux ceux qu'on appelle aujourd'hui, pudiquement, leurs serviteurs - ce qui décrit d'ailleurs beaucoup mieux la situation que le terme d'esclaves. Le gouvernement socialiste d'Alger ne veut pas, semble-t-il, poser le problème en termes de force, comme celui du Mali, ou comme jadis celui de Moscou face aux atamans des Cosaques.
" Quelle attitude observez-vous à l'égard des féodaux, d'une part, de leurs serviteurs de l'autre ?" Le représentant du pouvoir central qui s'entend poser cette question à Tamanrasset paraît la trouver saugrenue.
"Dans la République démocratique et populaire algérienne, l'autorité ne fait pas de distinction entre les citoyens. Elle les traite tous sur le même pied." Certes. Mais s'ils se sont situés, précisément, dans un état d'essentielle inégalité ? Les réponses sont assez évasives pour donner à penser qu'Alger ne juge pas le moment venu de réduire ce bastion féodal.
D'abord, parce qu'il y a d'autres problèmes plus pressants au Sahara - ceux de la subsistance. Ensuite, parce que la lente pénétration du modernisme économique dans le Sud assurera progressivement la promotion des "esclaves". Enfin, parce que la féodalité targuie donne tous les signes de la décadence et que la patience et le simple jeu des forces socio-économiques devraient suffire à transformer en Algérie le "problème" targui en un cas de pittoresque résiduel.
Décadence ? Est-ce pour cela que l'humour affleure ici, comme ailleurs la nappe albienne ? Il faut avoir vu jouer Prisonniers du harem dans la salle d'école de Tamanrasset pour mesurer à quel point un public targui peut avoir l'esprit plus léger, s'agissant des mœurs de l'islam, qu'un cinéaste britannique... Et qu'il est plaisant de lire sur l'écriteau, planté à la sortie de la ville, cette inscription : "Soyez gentils, tenez la droite..."
Al'Assemblée d'Alger, dont il fut vice-président, l'aménokal du Hoggar, député du désert voilé de sombre, faisait figure de fabuleux seigneur. On l'imaginait regagnant en ses montagnes un ksar hautain, ceinturé de murailles aveugles et formidables : ce que fut la casbah de Telouet pour le pacha Glaoui : repaire, palais de plaisance, place forte - en plus farouche ici, et torride, et légendaire. L'ombre d'Antinéa...
Akemennouk Bey Ag Hamou, de la tribu des Kel Rela, celle des seigneurs où est traditionnellement élu l'aménokal, chef spirituel (selon la terminologie officielle) de la confédération des Touareg, reçoit ses visiteurs assis devant une hutte de palmes tressées ; à ses pieds, ses conseillers jouent benoîtement aux osselets dans la poussière. Son domaine, c'est un hameau, un arrem, quelques huttes groupées autour d'un champ d'herbages, de fèves et de millet. Et son seul luxe, ce paraît être le poste émetteur de radio qu'il manie lui-même et qui le relie à l'administration, c'est-à-dire au sous-préfet de Tamanrasset, à 50 kilomètres de là.
Des grands meneurs d'hommes, il a le laconisme. Mais à part cela ? Moins qu'un chef, il paraît bien être le truchement entre le pouvoir algérien et les douze tribus touareg généralement basées au nord de la frontière. Ce n'est pas par hasard qu'il parle un peu d'arabe, qu'il porte parfois la djellaba claire plutôt que la gandoura sombre. L'aménokal, comme son frère le maire de Tamanrasset, paraît s'être délibérément mis en marge de sa communauté pour assurer le contact avec l'Etat, le monde arabe, les temps nouveaux.
Mais il ne fait guère d'adeptes. Autour de lui, les hommes restent enveloppés dans la gandoura, portent immuablement le tangelmoust, le voile indigoté, qui coûte, dit-on, le prix de dix moutons, parlent le tamacheq, refusent l'assimilation. Au collège de Tamanrasset, un internat a été créé pour "fixer" les enfants nomades ; il ne compte, parmi ses cinquante élèves, que deux jeunes Touareg du Hoggar (mais plusieurs issus du Tasmenar nigérien).
On voudrait pouvoir souhaiter au peuple targui un rôle de médiateur entre le Maghreb et l'Afrique noire, voir en lui un bon conducteur des courants qui doivent tôt ou tard transformer le Sahara, ce glacis revêche, en un pont. Mais ce peuple d'avant la route résistera-t-il à la route ? Survivra-t-il au camion ? Son instrument économique, le chameau, se fait rare et prend une allure anachronique. Au souk d'In-Salah, le troupeau conduit par les hommes bleu de nuit fait figure d'intrus. Bientôt, les noirs enfants haratin jetteront, de la portière de leur Jeep, un regard étonné sur la houle du convoi nostalgique conduit par le maître de leur père.
Cette dilution probable dans le nouvel Etat du peuple targui d'Algérie, faute de faculté d'adaptation et de perspicacité économique, est-ce la seconde mort de Charles de Foucauld ? Tout ici fait surgir sa mémoire, du vieux Paul M'Barek, le témoin de son assassinat, qui médite, accroupi, devant sa pauvre cahute, au bjord de pisé rouge où il passa les dernières années de sa vie et qui domine familièrement la capitale du Hoggar.
Cette petite forteresse qu'il avait bâtie de telle façon qu'un seul homme puisse suffire à la défendre contre les remous, ce n'est plus aujourd'hui qu'un musée, où rien n'est plus touchant que la chapelle, couloir de sable recouvert de torchis, meublé de caisses à savon métalliques. Sous la poterne, on voit épinglés quelques lettres de l'ermite et le rapport établi par l'officier qui constata sa mort. Rien ne fait prévoir que l'autorité nouvelle songe à contester cet héritage austère et qui n'offusque nullement ce à quoi peut tenir un patriote algérien.
Mais pour retrouver le secret de l'alliance entre Charles de Foucauld et le peuple dont il fut l'hôte et l'ami, c'est à l'Assekrem qu'il faut aller, jusqu'au refuge qu'il voulut jucher sur un pic du massif du Hoggar, à près de 3 000 mètres. Délaissant la torpeur de Tamanrasset, on grimpe vers le dur noyau du monde targui, à travers un paysage épileptique, gelé, ébouillanté, gonflé de boursouflures monstrueuses, de cloques géantes aux formes absurdes, hérissé de stalagmites de diamant noir. Pourquoi faut-il qu'on songe ici à la Saison en enfer ? Est-ce en raison d'un jeu d'assonances, Harrar, Hoggar ? De la parenté des destins de Foucauld et de Rimbaud ?
A partir de l'ermitage, dégringole un paysage sans rival, déferlement fabuleux de crêtes et de pics, un univers dansant et projeté, tout en arêtes coupantes et en outils perforants. C'est là, dans le vent furieux, que vivent les héritiers de Charles de Foucauld, les frères Jean-Marie - un visage de gentilhomme provençal du temps de la conquête des Indes, érodé, poncé par une exigence qui pourrait être celle de l'art, de l'aventure, et qui est celle de la foi - et Marcel, qui serait plutôt du côté de Franz Hals, barbe rousse autour d'une placide tête de Normand.
D'un livre qui se trouve dans leur minuscule bibliothèque et sur lequel je leur demande leur avis, l'un d'eux dit en souriant : " Je souhaite le lire, mais je n'ai pas le temps..." A 2 800 mètres, ils partagent leurs journées entre la prière et la météorologie. Ils travaillent aussi à un dictionnaire français-tamacheq (la langue des Touareg, dont l'écriture, le tifinagh, a quelques analogies avec les hiéroglyphes égyptiens) pour compléter le lexique tamacheq-français établi par Charles de Foucauld.
Ces travaux d'érudition ne tendent pas seulement à favoriser les échanges avec les tribus touareg qui nomadisent par là, de pic en pic, de champ de pierres en champ de cailloux. Ils ont permis de traduire de beaux poèmes touareg. Si gardé que l'on soit contre les charmes de la poésie folklorique, il faut en subir ici le choc. Ces histoires de chamelles remises en gage d'honneur, de fiançailles farouches et de rapts silencieux prennent une saveur brûlante, lues sur cette montagne, dans le vent obsédant, entre les lettres de Foucauld, piquées au mur, et ce prêtre à l'œil vif qui parle gaiement du désert.
Jean Lacouture
POÈTES À DÉCOUVRIR
HAWAD, UN POÈTE TOUAREG
Un poète touareg, Hawad, a relevé le défi de publier un recueil de poèmes en édition bilingue, français et touareg, défi d’autant plus étonnant lorsque l’on sait que le touareg est surtout une langue orale et que l’écrit consiste essentiellement à tracer des signes dans le sable ; c’est d’ailleurs le seul recueil actuellement publié en langue touareg.
Ce livre s’intitule « Buveurs de braises », long poème en douze chants, accompagné de calligraphies tifinagh (écriture des touaregs) originales de Hawad.
J’ai découvert ce poète en écoutant une émission sur France-Culture, « Poésie sur paroles », le 9 mars 1996 à 19 h 30. Ce fut pour moi, un choc émotionnel profond que d’écouter ce cri des entrailles provenant d’une autre culture mêlée à un instinct de conservation porté à l’extrême, s’acharnant à conserver sa propre identité et j’ai alors ressenti pourquoi Hawad avait appelé son recueil « Buveurs de braises ». En effet, la violence est un feu auquel tout touareg se brûle pour essayer de défendre son territoire et son nomadisme si mal accepté car difficile à contrôler par un pays. Il reste les cendres, le résidu et comme Hawad nous le dit :
« Ô assoiffés
nous avons bu les braises ».
Le peuple touareg est un peuple guerrier et Hawad nous parle des « chars du Sahel », de « la rafale d’une mitraillette » ; c’est aussi un peuple meurtri dans sa chair :
« je porte le deuil et la résistance
Mon visage est la métamorphose
de toutes les défaites de l’histoire
en revanches de l’aube
sur le crépuscule ».
Le poète élargit alors les revendications de son peuple à celles de tous les peuples bafoués de monde entier :
« Afrique et Amérique Latine
en plein poumon sont piétinées
âmes flétries ».
La poésie de Hawad est un cri qui prolonge l’âme de ces nomades déchirés entre modernité et tradition. Le poète emploie le « nous » pour insister sur le fait qu’il ne fait qu’un avec la lutte de son peuple.
Pour Hawad, la modernité signifie la société de consommation donc de destruction de l’être. Face à elle, la poésie est une arme, une force qui peut devenir violence même si cette violence des mots est porteuse d’une paix en elle-même. Tout touareg fait des poèmes :
« Ils nous ont volé les larmes,
Ils ne nous voleront pas la poésie. »
La rébellion des touaregs continue au Niger mais la sécheresse décime les troupeaux. Beaucoup préfèrent la facilité de la sédentarisation et Hawad n’est pas tendre avec ceux qui ont suivi ce chemin. Il crache son amertume sur eux et sur ceux qui ont voulu nationaliser le peuple touareg :
« En 1917 la France nous a châtrés
puis le Niger nous a jetés
dans un marécage de gale
le Mali nous a tannés de poux
la Libye nous a empâtés la langue
l’Algérie nous a mis le licou ».
Tour à tour, il cite la France, le Niger, le Mali, la Libye, l’Algérie, ... Chacun a voulu enfermé ce peuple, le soumettre mais c’est un peuple qui revendique le droit d’être nomade et possède une vie qui ne se soumet pas :
« O touareg
Ou bien l’orgueil
d’une vie fière
une vie qui ne soumet
pas même la dignité de l’ennemi
la mort
Ou alors l’effacement
jusqu’au résidu de notre semence
cette goutte de sueur
qui déjà se confond
avec le gravier
pavant la voie
de l’infini nomade ».
Il y a une opposition entre la force de la violence verbale qui témoigne de la lutte d’Hawad pour préserver l’identité des touaregs et la douceur, la profondeur et la pureté qui, par moments, jaillit de ses poèmes :
« Nous sommes le miroir du futur
Où est l’éclair
qui veut connaître
le visage du crépuscule
fondu dans son aube ? »
« Nous sommes la mémoire et le rêve »
« Nous sommes la branche et la racine
du temps »
« Et nous savons
faire oublier à l’homme
le chagrin de ses perles ».
Cette opposition entre violence et douceur n’est qu’apparente car comme un guerrier, Hawad a besoin de se ressourcer dans le silence, la poésie pour y puiser sa force. Il veut nous émouvoir, nous provoquer par des images neuves entre ciel et terre :
« La terre et les cieux sont nuée
de larmes et de mugissements »
« Et nous savons
veiller sur le compagnon vent
quand il s’épuise et brise ses ailes
et apprendre à l’étoile
à rire quand elle s’aveugle ».
Le vent est le seul allié car il efface les traces du passage des nomades là où l’eau est dépendance et où les pluies peuvent être lieu d’embuscade si elles ne sont pas empoisonnées. Pourtant l’eau, c’est la vie et encore plus dans le désert mais le touareg apprend à supporter les manques ce qui fait sa fierté, son orgueil :
« Avec tout ce qui s’est effondré sur nous,
même s’il s’agit du ciel,
avec le fardeau,
nous marcherons ».
Hawad vit depuis 1995 en France. Il nous dit qu’il y a ici des gens plus touaregs que les touaregs (les SDF, les victimes de l’exclusion, de la consommation, tous les délaissés).
La poésie d’Hawad est un cri de guerre contre l’injustice envers son peuple et par extension, envers tout être bafoué :
« Et le front de la nuit
que nous avons blanchi
en veillant sur la pierre
de la résistance ?
Comme nos frères fils d’Israël
au temps de leur grand exil
je bois la conscience nocturne de l’encre
et m’enivre de la raison de l’alphabet ».
La litanie revient, incessante, lancinante, obsédante. Le touareg veut être l’homme du passé dont les origines remontent à plus de deux mille ans mais aussi celui du futur :
« Nous sommes les rivets de la mémoire
dans les tempes de l’aube
et les traits de feu
posés entre les racines
et les envolées de l’absolu ».
Son cri devient lamentation :
« Mon visage est grimé
de lames d’étincelles »
« Car nous sommes
cette pierre tombale
du temps et du vent ».
Hawad a faim d’absolu, d’une faim jamais rassasiée :
« d’une faim d’étoiles
que j’avalerai
dans la poussière de la marche »,
faim d’absolu et soif d’espace, de liberté :
« Écartez-vous, écartez-vous
laissez-nous encore
la bride de l’épuise-vent
Pour l’homme des carrefours
et de l’embouchure des rêves
nul besoin d’un mensonge
crue de larme
bridée par la pitié ».
Comme Icare, au risque de se brûler les ailes au feu de la braise, il veut s’envoler dans le désert des grands espaces :
« Hommes
rêvez
de tous les larges du désert
où nous sommes libres
un seul peuple fier
jalousant les étoiles ».
Il se fait messager pour conserver l’identité de son peuple. Il ne veut pas que les touaregs deviennent un objet de curiosité malsaine et humiliante :
« Hé Touaregs
fruits exotiques pour les média
et les quincailleries touristiques
made in Paris-Dakar
singes toutes directions ».
Il secoue la léthargie des touaregs prêts à oublier leurs origines, par un leitmotiv de questionnements :
« N’avons-nous pas existé ?
Nous étions peuple de javelots »
« N’avons-nous pas vécu ?
Nous étions les palmes
des aurores et des routes
psalmodiant les voix
des tendons et des racines
en fouets enveloppant
la colombe des rêves
au fond des girons
de la flamme et de l’amour »
et il affirme :
« Et Toi
l’autre rive
Pégase aux ailes
de chardons et de braises »
pour finir avec :
« nous avons nourri les braises
Échardes
nous avons remonté la douleur
jusqu’aux fibres du nerf
Et fiel aigre
nous délions les vertiges
et la panse des météorites ».
Comme Pégase, Hawad part vers un désert ailé qui a banni les frontières.
Catherine RÉAULT-CROSNIER
19.09.1997
Bibliographie :
HAWAD, « Buveurs de braises, Ed. MEET, 1995.
Émission « Poésie sur paroles » de Jean-Baptiste PARAT, le 09.03.1996.
Émission de télévision sur les touaregs sur Monte Carlo en avril 1997.
Poèmes et chants touaregs
Poèmes et chants touaregs
Proverbe
"Aman iman, akh issoudar" : "l'eau c'est la vie, le lait c'est la nourriture".Poèmes
"Notre écriture à nous, au Hoggar,est une écriture de nomades
parce qu'elle est tout en bâtons
qui sont les jambes de tous les troupeaux.
Jambes d'hommes, jambes de méhara,
de zébus, de gazelles,
tout ce qui parcourt le désert.
Et puis les croix disent si tu vas à droite
ou à gauche. Et les points, tu vois, il y a
beaucoup de points. Ce sont les étoiles
pour nous conduire la nuit, parce que nous,
les Sahariens,
nous ne connaissons que la route,
la route qui a pour guide, tour à tour,
le soleil et puis les étoiles.
Et nous partons de notre coeur,
et nous tournons autour de lui
en cercles de plus en plus grands,
pour enlacer les autres coeurs
dans un cercle de vie, comme l'horizon
autour de ton troupeau et de toi-même."
Le langage des Chameaux
Pour les tribus de l'Aïr, le chameau n'est pas seulement un moyen de transport, c'est aussi un compagnon de route, et une source inépuisable de renseignements.
La vie en brousse se trouve donc souvent conditionnée par le comportement des chameaux ; les nomades savent interpréter le moindre de leurs gestes, et certains même n'hésitent pas à dire que leur chameau leur parle.
Ainsi, par exemple, lorsque le matin de bonne heure, un chameau contourne le camp plusieurs fois et vient s'agenouiller en blatérant face à la tente de son maître, il annonce des étrangers.
Lorsqu'un chameau renifle l'air à l'Est et garde cette position depuis l'autore jusqu'à une certaine heure de la matinée, il annonce l'orage.
Quand un chameau en rut ne veut pas aller avec ses femelles dans une direction donnée, c'est qu'il a senti la présence d'un autre troupeau avec un autre mâle, et cela dans un rayon d'une trentaine de kilomètres.
Pendant les transhumances, ce sont aussi les chameaux qui renseignent les éleveurs sur la localisation des pâturages et la présence de l'eau.
Lorsqu'un chameau de selle ne veut pas lever le cou et reste allongé pendant qu'on le harnache, il avertit son propriétaire qu'il va au-devant de problèmes, qu'il ferait mieux de renoncer à son voyage et de rester sous sa tente à boire du thé.
C'est de cette manière aussi que les nomades arrivent à échapper, grâce aux enseignements du comportement de leurs chameaux, à toutes sortes de tracasseries et de dangers ; ainsi au moindre signe, ils n'hésiteront pas à lever rapidement le camp, pour éviter les percepteurs d'impôts et les gardes forestiers, ou pour cacher les dépouilles des animaux sauvages illégalement capturés.
C'est sans doute ce qui explique l'attachement particulier que les populations de l'Aïr ont pour cet animal, une affection qui ne s'est pas démentie de nos jours, même à l'époque de l'automobile.